Le Monde.fr • Bolivie : Evo Morales se félicite des nationalisations • 12/10/14

Chrystelle Barbier (Lima, correspondance)

Journaliste au Monde

L’économie bolivienne a le vent en poupe. Selon les prévisions du Fonds monétaire international publiées le 7 octobre, avec un produit intérieur brut (PIB) en hausse de 5,2 %, le pays andin devrait enregistrer en 2014 la plus forte croissance d’Amérique latine. Une vigueur économique dont se félicite le président socialiste, Evo Morales, qui brigue un troisième mandat à la tête du pays andin, dimanche 12 octobre.

En ces temps de crise, les chiffres boliviens impressionnent. En huit ans, la richesse nationale a été multipliée par trois, passant de 9,6 milliards de dollars (7,6 milliards d’euros) en 2005 à 30 milliards de dollars (23,6 milliards d’euros) en 2013, tout comme le PIB par tête. Dans le même temps, les exportations n’ont cessé d’augmenter pour atteindre plus de 12 milliards de dollars en 2013. Une tendance qui devrait se poursuivre en 2014.

« Comme tous les pays de la région, la Bolivie vit depuis 2006 une période de bons résultats grâce à la croissance de la Chine qui a provoqué la hausse des prix des matières premières, comme les minerais et l’énergie, qu’exporte la Bolivie », explique l’économiste Luis Carlos Jemio de l’Institut d’études avancées sur le développement (Inesad), installé à La Paz.

Pour M. Morales, ces performances seraient aussi la conséquence de la fameuse « loi de nationalisation », promulguée en 2006, peu après son arrivée au pouvoir. « Nous avons rempli le mandat que nous a donné le peuple bolivien en lançant la nationalisation et vous ne pouvez pas savoir à quel point cela a changé l’économie nationale », rappelait encore le président sortant à une foule de partisans, mercredi à La Paz. Depuis huit ans, rares sont ses discours qui n’évoquent pas ce fameux 1er mai 2006, symbole de la « réappropriation des ressources naturelles » et de la « libération du peuple bolivien ».

NOUVEAU CONTRAT

  1. Morales avait alors annoncé à la surprise générale la nationalisation du secteur des hydrocarbures. « A partir de cette date, les entreprises pétrolières doivent remettre le contrôle de la production à l’entreprise d’Etat YPFB », indiquait le décret, dont la promulgation a été suivie par l’intervention de l’armée sur différents sites pétroliers. Salué par la population, ce décret a contraint les entreprises à payer 50 % d’impôts, contre 18 % auparavant, et à renégocier un contrat à l’avantage de l’Etat.

« Ce décret a permis de récupérer la propriété des hydrocarbures et des revenus de la vente, mais les entreprises ont continué d’opérer dans le pays », précise Carlos Arze, du Centre d’études sur le développement professionnel et agraire (Cedla). Pour cet économiste spécialiste des questions d’hydrocarbures, « contrairement à ce qu’affirme Evo morales, la mesure de 2006 n’est pas une nationalisation. Les entreprises n’ont pas été expulsées et ce sont toujours elles, et non l’Etat, comme le gouvernement veut le faire croire, qui décident de l’exploitation des ressources ».

Huit ans après, la grande majorité des entreprises qui opéraient en Bolivie comme Total, Repsol ou Petrobras sont toujours là. Elles ont signé un nouveau contrat avec l’Etat bolivien et les investissements directs étrangers continuent d’arriver dans le secteur. « Les entreprises payent entre 70 et 75 % d’impôts à l’Etat », souligne M. Arze. « Finalement, l’Etat n’a pris le contrôle que de deux entreprises, en rachetant une majorité de leurs actions, ce qui lui donne le contrôle de seulement 20 % de la production nationale de gaz », souligne le chercheur Marco Gandarillas du Centre de documentation et d’information sur la Bolivie (Cedib).

« EPHÉMÈRE ET INSOUTENABLE »

Certains aimeraient qu’Evo Morales aille plus loin dans la « nationalisation » des ressources mais, à l’inverse, personne ne semble contester l’impôt allant aujourd’hui à l’Etat. « Le peuple ne le permettrait pas, avance M. Arze qui raconte que Samuel Doria Medina, candidat centriste à la présidentielle, a tenté de proposer de revenir à un 50-50 entre l’Etat et l’entreprise. « Cela a été un fiasco populaire et il a de suite retiré la proposition », précise le chercheur.

Selon les calculs de l’Etat, la nationalisation des hydrocarbures a généré 22,3 milliards de dollars entre 2006 et 2013 et 7 milliards de dollars ont été investis dans le secteur. Des résultats que salue M. Morales qui a fait de l’industrialisation du pays une des grandes promesses de sa campagne.

Si la manne financière engendrée par la hausse des prix a permis l’amélioration du niveau de vie des Boliviens et la baisse de la pauvreté, nombre d’économistes s’inquiètent pour l’avenir proche du pays. « Cette situation est éphémère et insoutenable », juge M. Gandarillas, qui critique la forte exposition de la Bolivie aux fluctuations des cours des matières premières. Selon des chiffres officiels, 57 % des impôts que perçoit l’Etat bolivien viennent du secteur des hydrocarbures, qui représente plus de la moitié des exportations boliviennes.

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